Dès que l'on rencontre Dr. Irina Springuel, on prend conscience de sa passion pour l’environnement désertique. Lorsqu'on lui demande comment elle s'est intéressée aux plantes du désert, elle répond d’un ton taquin : "J'aime tout simplement le désert". Alors qu’elle fait preuve d'une humilité sans faille au sujet de son incroyable carrière, elle a pourtant eu un impact marquant sur l'environnement désertique. Aujourd’hui, elle sensibilise à l'importance de la protection et de la plantation de la flore désertique originelle et éduque le public grâce à son jardin désertique.
Dr. Irina Springuel
Ici à RED SEA PROJECT™, nous avons une relation très particulière avec Irina. Son éthique de travail et son engagement pour la protection en passant par la sensibilisation et l'éducation sont très similaires aux nôtres et nous aimerions diffuser le message que transmet son travail et vous faire découvrir comment vous pouvez vous engager. Irina a tant d'histoires incroyables et de succès à son actif qu'il est très difficile de les résumer dans un article aussi bref, mais je m'efforcerai de rendre justice à sa vie étonnante avant de parler de la mission qu’elle mène aujourd’hui.
Pour reprendre les mots d’Irina : "Les Bédouins appellent le désert "la mer sans eau"- bahr bela ma, nous sommes donc dans le même bateau".
Irina est avant tout professeur d'écologie végétale et connue comme experte en botanique du désert. Elle a obtenu sa licence en géobotanique à l'université de Leningrad, autrefois partie de l'Union soviétique. Elle s'est ensuite installée en Égypte pour poursuivre ses études universitaires, obtenant un Master et un doctorat en écologie à l'université d'Assiout. Les recherches expérimentales qu'elle a menées sur les îles de la Première Cataracte, près d'Assouan, pendant son doctorat, ont permis que l’endroit soit classé comme zone protégée en 1986, et ont ensuite contribué, en 1989, à ce que soit créée une autre zone protégée dans le gouvernorat d'Assouan, afin de préserver ces habitats uniques. Lorsque Irina s'est installée en Égypte, il n'était pas facile pour une femme de poursuivre une carrière scientifique, et elle ne parlait pas non plus la langue. Ces difficultés ne l'ont toutefois pas empêchée d’aller au bout de sa passion, passion qui lui a permis d’accomplir une carrière incroyablement réussie, en déployant des efforts considérables pour protéger les écosystèmes désertiques et les espèces botaniques importantes qui y vivent.
Le jardin désertique
Depuis la parution de ses livres ‘WADI ALLAQI Biosphere Reserve’ (Réserve de biosphère de WADI ALLAQI) en 1997 et ‘Desert Garden: A practical Guide’ (Jardin du désert : un guide pratique) en 2006, sa renommée dans le monde de la botanique du désert s'est considérablement accrue. Au-delà de ses recherches, sa participation à des projets associés à l'université d'Assouan a révélé une autre facette de la gentillesse et de l'attention qu'elle porte non seulement à la nature, mais aussi aux personnes qui l'entourent. Si vous lui posez la question, Irina vous dira qu'elle considère son investissement dans ses étudiants comme sa plus grande réussite, et non ses efforts de protection, non plus que les livres ou les innombrables publications qu'elle a écrits. Elle a éduqué, encadré, élevé et soutenu de nombreux étudiants qui, de jeunes gens, sont devenus de brillants étudiants en Master et en doctorat, qui, pour certains, ont aujourd'hui leur propre association de protection. Ces étudiants sont aujourd'hui répartis dans toute l'Égypte et le Moyen-Orient, où ils travaillent et sensibilisent à la protection du fragile environnement désertique.
Vous pouvez acheter votre propre exemplaire du livre d’Irina ‘Desert Garden: A practical Guide’ en cliquant sur ce lien.
Nos assistants de recherche Omar et Elsa, en train d’aider Dr. Irina à organiser et à numériser sa réserve de graines
Non seulement son travail et ses réussites en tant que professeur sont très impressionnants, mais elle a également joué un rôle essentiel dans divers projets de protection et de développement durable en Égypte. Bon nombre de ses réussites et de ses contributions dépassent son domaine d'études, récits qu'elle partage très humblement, presque sans se rendre compte de l'importance des projets auxquels elle a participé et de l’ampleur de l’impact qu’elle a eu à changer la vie de nombreuses personnes à travers le monde. Son engagement auprès de l'université d'Assouan en tant que mentor académique a permis aux étudiants de se développer non seulement sur le plan académique, mais aussi d'élargir leur vision par le biais d'échanges culturels ; elle a également cofondé l'unité d'études environnementales et de développement à l'université de South Valley, qui a été reconnue par le programme des chaires de l'UNESCO.
Les recherches d'Irina dans le Wadi Allaqi sont vraiment uniques en leur genre, en ce qu’elles se sont déroulées dans la partie méridionale reculée du désert d'Arabie (de Nubie), qui était, encore récemment, épargnée par le développement anthropogénique. Au fil des saisons, elle a observé les changements et les usages du paysage désertique, ce qui l'a amenée à mener des expériences novatrices en matière de techniques d'irrigation. Pendant son séjour à Wadi Allaqi, Irina a constaté que l'habitat s'était détérioré en raison de facteurs anthropogéniques comme l'extraction de l'or. Elle a donc entrepris de restaurer ce milieu. C'est ainsi que Wadi Allaqi a été reconnu comme réserve de biosphère en 1993. Irina a non seulement travaillé à la restauration de ce milieu, mais elle a également noué des liens très forts avec les communautés bédouines qui vivent dans la région. Irina a remarqué que les enfants bédouins s'intéressaient aux livres et aux documents des équipes de recherche, mais qu'ils ne savaient pas lire. Irina et son mari ont donc commencé à donner des cours aux enfants, avant de créer des écoles au sein de la communauté bédouine qui, autrement, n'aurait pas eu accès à l'éducation.
Visite sur le terrain avec Dr. Irina
Le projet avait pour objectif de protéger les zones désertiques utilisées par les tribus bédouines, leur permettant ainsi de conserver leur mode de vie pastoral traditionnel. Ce projet a attiré l'attention du monde entier et a suscité l'intérêt de la princesse Diana. Le British Council en Égypte a soutenu le projet dès le début. Il a été convenu que l'université d'Assouan serait l'une des étapes de la visite de la princesse Diana en Égypte en 1992. Irina a été invitée à présenter son travail, ce qui a tellement marqué la princesse qu'après la présentation, Diana a remercié Irina personnellement, lui envoyant plus tard une lettre pour la remercier de sa présentation et de tout ce qu'Irina et son équipe avaient accompli.
Durant sa carrière de professeur, Irina a ouvert la voie aux femmes pour qu'elles puissent voyager et travailler dans la région désertique. Elle a également encouragé, soutenu et entretenu le désir des femmes d'entrer dans le monde de la science, ce qui était auparavant interdit. Elle a également formé et éduqué de nombreux jeunes botanistes dans les déserts égyptiens, diffusant ses connaissances et continuant à sensibiliser à l'importance de la vie dans les déserts.
Après de nombreuses conversations avec le Dr Irina, il est aisé de partager sa déception devant le manque d'attention accordée à l'environnement désertique. Le terme "espèce charismatique" est bien connu dans le domaine de la protection, mais il semble presque discriminatoire que seules les espèces les plus grandes, les plus charmantes ou les plus connues soient considérées comme les plus dignes de préservation et de protection. Depuis quand la vie est-elle devenue précieuse simplement parce qu'elle est aisément visible ? La vie dans le désert n'est pas évidente. Ce n'est pas une réalité que l'on voit souvent représentée dans les journaux télévisés ou dans les publicités qui incitent aux dons ou à la protection. En fait, ce milieu est souvent perçu comme un environnement stérile et hostile, ce qui explique peut-être pourquoi le déclin des plantes du désert en Égypte est passé largement inaperçu. Pourtant, si la vie dans le désert n'est pas évidente, en y regardant de plus près, vous découvrirez un écosystème exceptionnellement riche et diversifié qui mérite d'être préservé.
Même à la retraite, Irina poursuit le travail qu'elle chérit tant, choisissant de rester en Égypte avec ses jardins désertiques. Cela montre à quel point elle croit au travail auquel elle a consacré tant d'années de sa vie. Lorsqu'on lui a posé la question, elle a répondu qu'elle ne pouvait pas imaginer faire autre chose, qu'elle aimait s’occuper et continuer à percer les secrets du désert. Le projet actuel d'Irina est son jardin du désert à Wadi Sabarah Lodge. Il est destiné à servir de ressource pour l'éducation, la recherche et la protection des espèces végétales du désert, dont beaucoup sont culturellement importantes, utiles et menacées. Son jardin offre une myriade de possibilités éducatives pour les chercheurs et le public, car on y trouve une grande collection de plantes désertiques en un seul endroit. Son travail sert de modèle et d'inspiration à d'autres hôtels et centres de villégiature pour la protection des plantes indigènes menacées en Égypte et dans d'autres pays désertiques. Toutes les informations sur la manière de cultiver son propre jardin désertique sont disponibles dans son livre "Desert Garden: A practical Guide".
Pour en savoir plus sur les travaux du Dr Irina, vous pouvez consulter l'ensemble de ses publications sur sa page ResearchGate, ici.
Auteurs :
Kirsty Thomasson
Elsa Llewellyn
Hannah Cocks
Siska Loggie
RED SEA PROJECT™
Traduction :
Esther Jacoud
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